Ecole buisonnière [pv Ren]

Jurons. Impossible de s’en empêcher, impossible de repousser sa nature qui fait que, malgré une grâce nocturne et un charme certain, elle jurait. Jurons. Insultes lancées ici et là, à l’adresse de lui ou d’elle, ou encore de cette lampe qui réside innocemment là, marmonnements et autres grommellements loin d’être des plus féminins ou séduisants lancés à tout va, dans le simple espoir de se lâcher, d’enfin se défouler avec de simples mots. Les canines démangent, la marche se fait rude et grossièrement accélérée, les sourcils sont impitoyablement froncés et le regard se charge d’un obscur particulièrement accentué, on lâche quand même quelques jurons, histoire qu’il n’y ait aucune méprise. Au diable l’habituelle indifférence qui hantait les traits sombres de la Vampire, au diable les règles de bienséance et de bonne tenue. Elle jurait, et elle accélérait le pas, rageusement.
On ne frappe pas, on ne fait pas attention aux éventuelles personnes qui pourraient la corriger si on la trouvait là, ce n’était pas comme si elle l’avait elle-même choisit. Sans plus attendre, elle ouvrit d’un geste brusque la porte du dortoir des garçons du Pavillon de la Lune (qu’elle a eut l’honneur de visiter, visite dont elle se serait bien passée). Autant dire que la rage qu’elle mettait à l’ouvrage était principalement due au fait qu’elle avait été obligée de venir jusqu’ici. Merci Monsieur le Professeur. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison qu’un abruti manquait, et que, étant une de ses plus grandes amies (…), il fallait que ce soit elle qui aille le chercher. Où ça ? Comment ? Aucune idée, elle avait été tirée d’un sommeil quelque peu mouvementé avec ce simple ordre d’aller le chercher. Alors non seulement le réveil fut difficile, mais en plus, c’était pour aller le chercher… Lui…

- AIDÔ, lève-toi ou je t’en mets… une.

… La main encore sur la poignée, la porte grand ouverte laissant entrer la lumière du couloir, elle fixait la chambre noircie d’obscurité, soudainement silencieuse. Non, Aidô n’était pas dans son lit, comme elle l’escomptait, mais c’était une chose qu’elle estimait plus importante que cet abruti qui attira son regard et son attention. Lâchant la poignée, elle s’avança d’un ou deux pas, histoire de s’assurer que c’était bien de ça qu’il s’agissait, laissant tonner ses talons sur le marbre de la chambre et résonner dans la pièce vide d’un point de vue humain. Oui. Ca devait sûrement être ça. Sans un mot de plus, elle fit volte face, et de son usuelle indifférence, quoique légèrement pressée par sa marche, elle sortit de la chambre en replongeant la salle dans le noir, prenant soin de fermer la porte. Et médita. Un court instant. Juste derrière la porte, la tête baissée, la main encore accrochée à la poignée. L’affaire Aidô lui était totalement sortie de la tête, et s’en était pas plus mal, à vrai dire. Toutes ses pensées étaient à présent tournées vers Lui.
Dans une discrétion typique adonnée aux vampires et que la jeune femme avait appris très rapidement à dompter pour pouvoir vivre à ses aises dans l’Académie, elle avait fouillé couloirs et salles, furtivement, dans l’espoir de le trouver. En ses pensées, à ce moment précis alors qu’elle s’aventurait dans le jardin, se tapissant au pied des arbres pour passer inaperçu dans son costume crème, résidaient deux personnes : Kaname, et Lui. Kaname, parce qu’elle était sûre qu’il n’allait pas rester de marbre à son escapade, et Lui, parce qu’évidemment, c’était Lui. Et cela faisait maintenant un petit moment, pour ne pas tomber dans l’euphémisme, qu’il avait disparu. Pendant un court temps de pose, elle s’accorda le temps de respirer silencieusement, le regard en alerte, cherchant un signe de vie quelconque qui pourrait l’aider à le trouver. Il ne se trouvait nulle part. Du moins, pour le moment.
Et puis elle le vit. Sur un banc, près du lac. Il était là, comme s’il l’avait toujours été, comme s’il ne les avait jamais quittés, tous. Pour partir, sans un mot, sans un signe. Rancune ? Non. Juste… Un peu d’amertume, mais principalement du soulagement. Il tourna la tête… Et elle, était debout, droite, les bras le long du corps, la poitrine se soulevant légèrement au rythme de sa respiration brusquée par sa course. Lentement, elle s’approcha jusqu’à se retrouver derrière le banc, posant une main hésitante dessus. Un temps. Puis un sourire. Discret, rassuré.